Parce que je suis une faignasse notoire, je ne vais pas vous parler non pas d’un, mais de deux livres d’un coup dans cette chronique. Paresse endémique bien représentative de la déliquescence programmée par les élites américano-sionistes pour nous soumettre au projet satanique de la banque et de la City réunies penserez vous? Que nenni, jeunes jouvenceaux, je groupe, je synthétise, je rassemble, car La Maison des Mages est en fait la suite de la Geste du Sixième Royaume et que la filiation est tout de même très directe entre les deux livres. Eh oui, nous sommes désormais dans l’ère de l’efficacité! Anacréon certes, mais anacrivons des articles pas trop longs surtout! Voilà mon nouveau credo!
Bref, j’ai lu ces deux romans au cours de mon cycle de lecture actuel qui s’attache à la fantaisie française contemporaine. La Geste ayant gagné le prix Imaginales de 2012 il me semblait que c’était une bonne idée de le lire. Grand bien m’a pris! Oh douce joie! Moi qui ai, en temps normal, une petite vie plate et sans ambition, une sorte de remugle nauséeux de rêve d’enfance, une suite ininterrompue de déceptions légères et sans splendeur. Moi qui n’ai même pas le bon goût d’être malheureux d’être moi. Moi qui ne suis même pas assez intéressant pour être narcissique. Moi dont l’avenir lu dans une boule de cristal ressemble à un épisode de Derrick au ralenti, et bien ces deux bouquins ont vraiment enluminé ma vie de PNJ de début de tutoriel avec ses histoires épiques, ses batailles grandioses et ses héros aux destins tragiques !
Parce qu’autant vous le dire tout de suite, Adrien Tomas, il ne fait pas dans le petit bras : ses Dieux se foutent sur la gueule à coup de héros, ses magiciens commandent à à peu près tout ce qui existe et ses guerriers se tapent des régiments à eux tout seuls. Exit les demi-portions, les critiques littéraires, les souffreteux, les neurasthéniques et les princesses en détresse : ici on fait dans le gros bill et ça marche. Rapidement, on entre dans cet univers fourmillant de détail et on se laisse porter par l’épopée. Ça n’a peut-être pas le souffle d’un Jaworsky ou d’un Beauverger mais c’est diablement efficace.
Cette efficacité tient d’ailleurs essentiellement à la structure commune aux deux romans : des chapitres courts (entre deux et six pages) qui traitent chacun d’un personnage différent (en compter une trentaine de principaux par livre) et qui alternent les focalisations internes et externes. Il en résulte un récit extrêmement tonique, qui se permet l’élision de beaucoup de descriptions pour se concentrer sur la psychologie des personnages et leurs actions essentielles. Et je pense que c’est l’intérêt principal de ces romans : la déconstruction systématique de la ligne de temps et la mise en place d’un récit stroboscopique.
Souvent, lorsqu’on alterne des points de vue dans un roman, on prend soin de préciser si on opère un « pendant ce temps » ou si on assume que c’est un « plus tard, ailleurs ». Le Seigneur des Anneaux le montre très bien, et la Horde du Contrevent peut être mieux encore. La ligne de temps, l’ordre de succession des événements reste clairement accessible et l’alternance sert à donner un point de vue d’ensemble sur un événement global beaucoup plus large que ce les personnages peuvent percevoir (la guerre de l’anneau pour le premier, le plan du virus pour le second). Ici, cette ligne de temps n’est pas conservée : elle est morcelée, découpée et même si on soupçonne parfois des simultanéités ainsi que des ellipses temporelles violentes, globalement il est difficile de placer précisément les choses les unes par rapport aux autres. Du coup, il est nettement plus compliqué de se faire une idée précise de cet événement global et une sensation de vertige prend souvent le lecteur face à un tel chaos. Mais attention, la structure est suffisamment fine pour que vous ne vous perdiez jamais ! C’est là la virtuosité d’Adrien Tomas… et son thème principal. Car les deux romans montrent comment des personnages se retrouvent transformés, contre leur gré le plus souvent, par des forces qui les dépassent et qu’ils ne comprennent pas complètement. C’est une manière de revisiter l’idée des êtres élus, des héros choisis par le destin et de l’abnégation face au devoir. Admettez, c’est balèze quand même ! La structure du récit est un écho direct de la quête des personnages ! Rien que d’en parler j’ai les poils des bras qui se hérissent. Virilement.
Ajoutez à cela que cette déconstruction travaille beaucoup la densité narrative et que chaque page révèle son lot de combat, de coup de théâtre, de deus ex machina et autre super pouvoir de la mort. Vous obtenez un roman qui semble décousu et turbulent, mais qui, au final, trace une histoire particulièrement pertinente et violemment maîtrisée ! C’est vraiment hallucinant ! On se rend rapidement compte que la déconstruction narrative est au service du projet dramatique du bouquin.
Par contre, ces romans ont la faiblesse de leur qualité : c’est essoufflant, haletant, très énergique et parfois un peu fatiguant : on prendrait bien une petite description de ce monde riche qui noie tout le monde sous son flot de soubresauts, histoire de souffler un peu et de créer des images qui frappent durablement l’imaginaire.
Bref, c’est un roman d’une incroyable maitrise du chaos. Après, je dois confesser que je ne lirai pas ça tous les jours de peur de mourir d’hypertension, d’épilepsie ou tout simplement d’enthousiasme.